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Disk 34 (Décembre 2010)

Dans son article „Contacts à Plzeň“, le professeur Jan Císař (1932) se consacre à la 18ème année de Théâtre, le festival international qui a eu lieu en septembre. Chaque année participent à ce festival de Plzeň des théâtres des pays de l’ancien bloc de l’Est (y compris de l’ancienne Yougoslavie) et Jan Císař écrit sur son Programme principal défini par la formule „L’avenir du théâtre européen – tradition ou expérimentation dans l’espace de Visegrád“. L’auteur de l’article utilise les matériaux tirés des mises en scène pour examiner le contexte dans lequel existe et évolue le théâtre dans le cadre des changements culturels se produisant dans les pays post‑communistes. Il n’est certes pas étonnant qu’il constate que le post‑post‑modernisme soit le point commun sur lequel se sont rencontrés les théâtres invités à Plzeň et où sont apparus leur état actuel et leurs possibilités: cad. la situation où le théâtre contemporain s’accommode de ce que lui a laissé le post‑modernisme. Císař part du fait que le théâtre européen dans son processus de création est né et reste un modèle permanent de création en tant que communication des situations des personnages avec les situations de personnes vraies dans le monde actuel. Le post‑modernisme est confronté du fait de sa substance à cet aménagement du théâtre, parce que toute détermination ou détermination de soi par l’objectif, le transcendant, l’universel a été remplacée par d’autres propriétés, comme par ex. la contingence, laquelle est un moyen de rendre présent et un moyen aussi d’autoréférence: c’est pourquoi au théâtre se renforcent les caractères de l’exécution (performance, performativité). Le festival de Plzeň s’est présenté, d’après Císař, de manière definitive comme la confirmation de cette différence – sans tenir compte de l’aspect concret ou de la qualité (souvent discutable) des différentes représentations. Dans ce cadre, le festival a de nouveau fait apparaître le problème du rapport non résolu entre la parole et la mimique et entre le sens et la perception par les sens, ce que met en évidence le théâtre post‑moderne. Jan Císař est convaincu que ce problème du théâtre contemporain – vu son but toujours valable de montrer et de communiquer l’existence naturelle de l’homme – ne peut être résolu que par l’art du comédien.

Dans son étude „Scènes et images“, le professeur Jaroslav Vostrý (1931) continue à développer la thèse selon laquelle la scénologie s’intéresse au comportement humain du point de vue de sa scénicité et de sa mise en scène; cad. des formes, des caractères et des tendances, grâce auxquels l’homme et ses créations se manifestent d’une certaine manière. L’importance éminente de la perception visuelle dans ce processus a été toujours ressentie, au point qu’il est devenu courant de parler de la création de l’image d’une personne et du milieu social et humain, dans lequel il vit. La création d’une telle image est toujours liée à quelques évenements vécus ou réfléchis, qui – assez souvent – se recouvrent plus ou moins avec une telle image ou des images, s’ils ne sont pas liés à une réflexion qui y fait suite. Pour ce qui est des sources sensorielles de cette ,image’, sa création est naturellement liée à la réaction à des stimulations acoustiques qui agissent des fois plus directement que des impulsions visuelles, cela est dû au fait que la perception par le regard n’est pas possible sans un certain recul. La formation de l’image a bien sûr à faire avec la perception intérieurement tactile: le comportement d’autrui provoque l’activité des neurons spéculaires; grâce à eux nous pouvons nous mettre dans la peau d’autrui, de telle manière que nous le ressentons „dans notre propre corps“, cad. d’une manière qui agit in potentia sur notre mobilité. Habituellement nous n’imitons pas directement ce comportement perçu (cette tendance refoulée a sans aucun doute à faire avec la source de l’art du comédien), mais nous ne faisons que le ressentir (passivement): l’absence d’activité extérieure est compensée par l’activation de la tendance à la réflexion. Le comportement de l’acteur au théâtre – non seulement comparé à une peinture, mais aussi à un film – représente le comportement de personnes réelles hic et nunc , il s’agit d’un comportement réel et exposé à tous les risques afférents. En tant que tel il fait tout de même partie d’un tableau , dont la perception nous assure des vécus spécifiques, radicalement différents des vécus qui nous viennent d’un comportement dans la vie réelle. Tandis que ,dans la vie’nous avons un vécu limité au seul comportement avec ses éventuelles conséquences, dans le cas d’une image basée sur l’action de l’acteur, il s’agit de conséquences liées à une réflexion plus large et plus profonde: la nature de cette réflexion en elle‑même est finalement toujours le produit de notre propre vécu subjectif, auquel participe le réfléchi de l’art de l’acteur/de l’actrice.

Zuzana Sílová (1960) publie dans ce numéro une autre étude du cycle consacré à l’art de l’acteur comique tchèque, dont le sujet est cette fois l’art de Voskovec et Werich. Elle pose la question de savoir ce qu’était ,au sens profond’ le thème de leur théâtre, ce qui unissait tous les éléments de leur jeu et transformait les histoires banales sur de vieux sujets en quelque chose d’extraordinaire, que ce soit au niveau de brillantes jongleries avec la parole ou avec le chant, ou bien au niveau des solutions scénographiques. Ce qui donnait un ‘sens intérieur/intrinsèque’, c’était, d’après l’auteure, une position bien définie par rapport au monde, une idée personnelle et très contemporaine sur le monde ‘hic et nunc’, laquelle idée s’exprime dans le cas de V+W par l’existence essentielle de clowns tout à fait originaux, plutôt proches des fous du roi chez Shakespeare que des zanni de la commedia dell’arte. En tant que tels V+W adressent leurs commentaires audacieux, critiques et naïfs – à leur manière un peu ‘folle’– au public, en les sortant de la pièce et du théâtre, auquel ils retournent très vite. Ils oscillent ainsi sur le seuil imaginaire entre deux mondes qu’ils rapprochent et en même temps confrontent, afin que les spectateurs puissent vivre aussi le miracle d’un changement libérateur. A la différence de Vlasta Burian, lequel, avec ses clowneries, planait souvent au dessus de la réalité quotidienne, V+W sont entièrement ancrés dans la quotidienneté, dans son vécu immédiat et en même temps réfléchi. Leur réaction ,up to date’passe progressivement des célèbres avant‑scènes à l’action elle‑même, ce dont témoignent nombre de leurs pièces et des films qui ont été conservés.

L’aspect moralisateur utopique, com­préhensible en raison de la situation politique du moment, s’allie à un ludisme naturel, qui échappe aux lois de la moralité, et même les bouleverse. Il s’agit d’une oscillation entre le comique et le sérieux, où souvent, d’une manière consciente ou inconsciente, on passe de l’un à l’autre sous la poussée d’une énergie débordante. Dans tous les éléments – dans le texte comme dans sa trame scénique y compris dans la prestation sur scène – c’est la réalisation pratique de ce que représentent les signes mimiques du sourire et des pleurs sur les „masques“ des visages maquillés en blanc, avec lesquels parfois les protagonistes se présentent devant le public.

Le professeur Jan Hyvnar (1941) continue dans ce numéro le cycle consacré aux comédiens virtuoses du 19ème et du 20ème siècle, cycle financé par la bourse GAČR Figures et styles de l’art dramatique – de la même façon que le cycle consacré à l’art des acteurs comiques tchèques. L’article „Le trio d’acteurs italiens virtuoses“ traite des acteurs italiens mondialement connus de la 2ème moitié du 19ème siècle – A. Ristori, E. Rossi et T. Salvini, qui se rendirent avec leurs personnages – venus surtout du drame shakespearien – dans toute l’Europe, dans les deux Amériques, en Australie et en Egypte. L’étude retrace brièvement leur carrière artistique et ensuite se consacre aux méthodes et aux techniques de leur création. Il s’efforce au début et à la fin de replacer ces comédiens virtuoses dans le contexte historique plus large du développement du théâtre européen. Il met en avant la réalité qu’il s’agit de la dernière génération de comédiens qui – comme dans le drame classique – a créé des personnages formellement achevés et par là‑même ,fermés’avec un accent sur la qualité esthétique de l’oeuvre de l’acteur.

L’action en dialogues est – comme le dit Jan Hančil (1962), l’auteur de l’étude „La stratégie du spectateur dans l’action en dialogues“ – une discipline développée par le professeur Ivan Vyskočil; à la faculté de théâtre d’AMU elle est enseignée à la chaire de création d’auteur et de pédagogie. L’auteur de l’étude citée s’y consacre lui‑même depuis l’année 1992, d’abord comme étudiant, puis comme assistant. „L’action en dialogues est à sa manière une situation de laboratoire permettant de suivre et de cultiver dans des conditions clairement définies l’action en public, une situation dramatique à l’état naissant, d’évaluer son développement et de s’y référer de nouveau en cultivant l’effet joint de l’action et de la perception. Elle repose sur l’examen individuel de l’art du comédien non thématisé (non déterminé). Grâce à l’article de Hančil, les lecteurs de la revue Disk peuvent avoir une large information sur cette discipline. Bien que l’action en dialogues comme discipline ne soit décidement pas du théâtre, elle partage avec le théâtre et d’autres sortes d’art de la scène bien des traits communs. Parmi ces traits communs, Hancil se consacre principalement dans l’article cité à la réception des dialogues en action chez les participants pendant les répétitions. Ce n’est pas, comme il le dit lui‑même, la théorie de la perception qui lui importe, mais , sur la base de la pratique de cette discipline spécifique, il observe le spectateur comme le participant d’un événement scénique et examine la réception d’un tel événement, même de façon générale; en particulier, bien sûr, en considérant la réception collective dans un groupe plus ou moins homogène ayant un horizon d’attente spécifique.

L’étude „L’espace et le temps dans le concept japonais ma“, dont l’auteure est la japonologue Denisa Vostrá (1966), essaie de définir ‘l’espace intermédiaire’ (éventuellement seulement ‘intermédiaire’) comme l’élément fondamental de l’art japonais, mais aussi de la communication quotidienne. Elle recherche les parallèles avec la ,sensation de l’espace’occidentale ou, la ,prise de conscience de l’espace’, dont on peut parler par rapport au théâtre, mais aussi par rapport à l’architecture. Le phénomène ma ou bien ,le vide plein’est examiné de différents angles de vue et est mis en rapport avec la perception de l’art et dans le cas du Japon avec la perception de la vie courante, y compris de son reflet dans la langue.

Dans les oeuvres de Samuel Beckett, surtout dans ses pièces courtes, le comportement particulier et l’action des personnages sont comme détachés du milieu extérieur et concentrés sur leur propre psychisme. Les personnages de Beckett sont concentrés sur leur ,moi’si fortement que disparaît de leur image ce qui est autour – à savoir le milieu extérieur. Pourtant la recherche de l’identité de la personne se fait toujours dans un contexte, cad. principalement en accord ou en désaccord avec le milieu. Sans cela, le seul ,moi’peut être non seulement privé de la possibilité de se trouver soi‑même, mais aussi dégoûté de soi‑même, parce qu’il n’y a pas ,les autres’qui pourraient lui apprendre quelque chose sur soi. Du point de vue spécifiquement scénologique, il s’agit à proprement parler de présenter une situation humaine qui dans sa substance ne peut pas être dramatique, quand manquent les motifs qui apportent du changement. Mais elle peut être comique et grotesque! De ce point de vue, il s’agit donc chez Beckett d’une présentation scénique d’une situation humaine courante. La pièce Quad par ex. s’éloigne bien sûr de ce cadre. C’est une pièce sans paroles, dans un espace limité à un carré avec des diagonales sur lesquelles 4 joueurs enveloppés dans de longs imperméables à capuches tapent sur différents instruments à percussion, éclairés par 4 lumières de couleur. Cela fait penser à la performance, mais elle s’en distingue en raison des instructions détaillées de l’auteur, qui la range parmi les présentations scéniques, puisque le concept est le matériau de base. Elle est à vrai dire proche du ,new dance’, qui était orienté vers l’épanouissement du mouvement dans l’espace. On peut trouver des éléments communs dans les performances de Schlemmer au Bauhaus, dénommées plus tard théâtre visuel. La recherche des sources, où Beckett a pu puiser, et la problématique des rapports entre l’extérieur et l’intérieur, le public et le privé du point de vue scénologique constitue le contenu de l’article „Public/privé et scénique“, dont l’auteur est le professeur Július Gajdoš (1951).

Iveta Davidová (1974), dans son article „L’école d’art dramatique et Marie Laudová‑Hořicová“, s’intéresse aux efforts de la célèbre comédienne tchèque, membre du Théâtre national de 1890 à 1915, pour formuler les principes de la formation du comédien et participer ainsi avec le critique Jindřich Vodák à l’introduction des principaux principes pédagogiques et des objectifs du département d’art dramatique nouvellement créé au Conservatoire de Prague, où elle a enseigné de 1919 à sa mort. Bien que Laudová (1869–1931) fasse encore partie des tenants du style déclamatoire, ses conceptions évoluent de la déclamation „à l’étude de plus en plus difficile des rôles et de là au jeu en harmonie“. Elle s’informe parfaitement de la situation dans les écoles de l’époque ailleurs en Europe et, avec une excellente compréhension des tendances du théâtre moderne, elle plaide pour un enseignement conçu assez largement comme une culture globale de la personne, visant, au‑delà des principes de la technique, à une „création individuelle“, parce que, dit‑elle, „sans un don de naissance, l’individu le plus intelligent et le plus cultivé ne devient pas un artiste, même s’il fréquente l’école d’art dramatique la plus exigeante. Mais pour qui a le don du comédien, une éducation convenable, qu’elle soit spécialisée ou générale, est notablement profitable.“

Dans les autres articles, le célèbre bohémisant russe Oleg Malevitch (1928) traite des rapports „Tchékov – Šrámek – Čapek“ – avec des arguments soutenant la proximité de Tchékov et de Čapek – et Kristýna Čepková (1988) – dans le cadre de l’enquête sur les activités scéniques dans les communes et communautés – s’intéresse à la tentative d’instaurer des ,fêtes du voisinage’ à Prague‑Hostivař. Quant aux actions occasionnelles, Alice Krae­merová nous fait part de l’exposition „Geishas et samouraïs“ au Musée Ná­prs­tek de Prague (elle dure jusqu’en mars de l’année prochaine) et Július Gajdoš nous relate les fêtes pour célébrer les 235 ans du département de bohémistique à l’université de Vienne, fêtes accompagnées d’une présentation scénique.

En annexe, nous présentons la première pièce de Lenka Chválová (1979) Les (La forêt).