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Disk 40 (juin 2012)

Le 40ème numéro de la revue Disk s’ouvre avec l’étude du professeur Gajdoš «Le postmodernisme est parmi nous», étude inspirée par l’exposition de Londres Postmodernisme: Style et subversion 1970 – 1990 au Viktoria and Albert Museum du 24 octobre 2011 au 15 janvier 2012. Les organisateurs de l’exposition et les éditeurs du catalogue ont décidé pour de bonnes raisons ni de chercher de définition univoque, ni de s’efforcer à définir clairement les limites aussi bien du style en lui même que de son rapport avec le modernisme. Ils ont simplement essayé de caractériser dans leurs grandes lignes trois décennies de vie artistique, et de présenter les images des produits qui,en leur temps, ont attiré l’attention par leur caractère inhabituel. Ce n’est pas un hasard si l’architecture postmoderne y tient la plus grande place, mais les autres formes d’art et de design y sont aussi représentées, comme la mode, le post hip hop, la photographie, voire le travail sur l’évènement ou les systèmes figuratifs abstraits. Cette exposition a fourni à l’auteur l’occasion d’une réflexion personnelle sur ce qui unit et ce qui différencie le modernisme du postmodernisme, soit du moderne et du postmoderne: cette réflexion montre bien – et précisément avec quelques exemples de l’architecture – l’incertitude originelle du postmodernisme mais aussi les racines communes, en accord ou en opposition, avec ce qui l’a précédé.

L’article du professeur Jan Císař «Limites et extrêmes» est consacré à deux mises en scène de théâtre du Théâtre National de Prague. L’auteur situe leur point de départ dramatique dans l’effort de la direction de cet ensemble d’embrasser et d’offrir à son public le plus large éventail d’approches et de réalisations qui apportent leur contribution au langage théâtral d’aujourd’hui. La mise en scène par Jan Nebeský du Roi Lear de Shakespeare délaisse la méthode traditionnelle d’interprétation et crée une forme scénique, dont le fondement est l’image, cad. une mise en scène qui a l’air d’une création visuelle. Elle constitue une réalité scénique tout à fait originale, dont la nouveauté est renforcée par le fait que tout se passe synchroniquement, cad. que le lien des différents éléments est polyphonique. La mise en scène de Nebeský au Théâtre National représente – considérant la position de cette institution dans la culture tchèque – d’un côté quelque chose d’extrême, qui pose la question des limites ou tout au moins du cadre, dans lesquels le Théâtre National peut satisfaire ses exigences culturelles, d’un autre côté, elle pose la question des aspects possibles du mis en scène contemporain du point de vue des rapports du théâtre avec l’époque d’aujourd’hui. Dans cet ordre d’idée, la mise en scène mi documentaire mi fictive du texte de Lucy Prebble Enron par Michal Dočekal, joue un rôle important dans le répertoire dramatique du Théâtre National en élargissant le champ stylistique.

Les deux contributions suivantes se consacrent à l’expression parlée. Dans son article «Une voix de stentor», la professeure Zdenka Švarcová part du fait que du point de vue de la perception sensorielle, la voix est semblable au regard (dans le domaine de la vue) ou au  toucher (dans le domaine du sens tactile), lesquels ne peuvent pas être comparés à la voix pour ce qui est de l’énergie fournie pour la produire. L’auteure se pose la question: «Si le regard est une manifestation de la vue et le toucher une manifestation tactile, quel sens se manifeste dans la voix?» Ne serait il pas possible de le désigner par le mot nouveau «le parler»? Que nous acceptions ou non cette appellation, l’auteure montre avec des arguments convaincants l’importance fondamentale du discours parlé si négligé aujourd’hui. Et elle n’est sans doute pas loin de la vérité quand elle affirme: «En ajoutant aux cinq sens le parler, nous avons ouvert la voie à des vues rétrospectives sur le sens de la vie humaine reposant toujours sur la compréhension réciproque. Si le savant nous démontre qu’aucun sens ne sort de l’épistémologie scientifique, qu’un Grand Architecte ne dirige pas le monde, que l’Evolution ne conduit nulle part et que la Vie n’a aucun Sens, nous lui opposons que toute communication importante, qu’elle ait l’allure d’un regard affable, d’un embrassement amical ou d’une déclaration sincère, aura pour nous un sens, certes un ,sens’avec un petit ‘s’.

Tout ce qui a trait à la voix et au parler – écrit le professeur Vostrý dans son étude «Scénologie du discours parlé» – ne se rapporte pas seulement naturellement aux vibrations émises et reçues dans l’échange de communications, mais aussi à notre présence dans l’espace et (pas seulement au théâtre) à la capacitè de le structurer par cette présence. «Il en ressort clairement quelle grande influence a et peut avoir la négligence dans la façon de parler (dans l’interaction du parler et de l’écouter) ou bien au contraire le fait de la cultiver, non seulement au niveau de l’art du comédien, mais aussi au niveau du mis en scène et du mis en scène de soi, et cela signifie la communication sociale, en général». Il s’agit autant de la possibilité de l’expression par la voix que de la possibilité de l’expression – ,proprement’ – par le mot, laquelle au niveau du parler rivalise (on peut dire) avec la voix. Et à l’inverse: dans le discours parlé, la locution n’utilise pas seulement la voix et d’autres éléments organiques de ce discours parlé, mais aussi des mots qui l’aident par la concrétisation vocale autant qu’ils la gênent par leur généralité sémantique. Il s’agit ici, de façon générale, du vécu des mots en eux mêmes et de leur lien, ou  bien  dans le cas d’un texte poétique réussi – de leur utilisation dans la formation du vécu total. «Le vécu psychophysique du discours réalisé vocalement qui en résulte, constitue ainsi non seulement une part importante de l’ensemble du vécu corporel de l’acteur, mais aussi une significative impulsion  (organique) immédiate de son comportement concret sur la scène ».

Josef Valenta est l’auteur de l’étude «Prolégomènes à la méthodologie de la recherche sur le drame éducatif», dont nous publions la première partie dans ce numéro. Celle ci se consacre – sur la base de la définition de cette matière et de ses fondements interdisciplinaires – d’une part à la définition du phénomène appelé ,recherche’et de ses paradigmes de base, et d’autre part à l’interprétation de quelques points de vue sur la recherche liée à l’éducation dramatique. Pour la caractérisation générale de la recherche et de sa marque comme activité humaine spécifique, l’auteur ajoute un tableau concis des paradigmes fondamentaux de la recherche (en particulier quantitatif et qualitatif). Puis il présente une liste des points de vue en question, au nombre de six – trois d’entre eux, dans cette première partie de l’article, sont choisis pour une analyse détaillée: 1. la recherche pour le théâtre, à savoir pour le drame éducatif (les activités de recherche de l’acteur, d’où finit par sortir le jeu dramatique); 2. le théâtre, à savoir le drame éducatif comme recherche ou bien la recherche par le théâtre, à savoir la recherche par l’intermédiaire du drame éducatif (les activités théâtro dramatiques en tant que moyen de connaissance: il y a place ici pour la caractérisation concise de la recherche, de l’ethnographie, de la performance etc.); 3. le théâtre à savoir le drame éducatif comme message expérimental (qui met l’accent sur le résultat scénique de la recherche, cad. sur l’acte scénique comme ,message expérimental’). Les trois autres types seront caractérisés dans la deuxième partie.

En ce qui concerne l’histoire du théâtre, Klára Břeňová s’intéresse dans ce numéro à l’activité théâtrale dans le ghetto de Terezín. Le doctorant Pavel Bár traite de la mise en scène de la célèbre adaptation par Voskovec et Werich du musical américain Finian’s Rainbow: avec cette mise en scène, sous le nom de Divotvorný hrnec, ils ont introduit chez nous ce genre peu de temps après la guerre. L’étude de Martin Maryška «L’espace étendu de la scène – le design graphique du Théâtre Na provázku» s’efforce de comprendre la relation esthétique entre le design graphique et la manifestation scénique spécifique d’après les affiches et les programmes de ce théâtre pour les mises en scène des années 1968 1989. Le principe de l’irrégularité et de l’ouverture, adopté par le théâtre comme point de départ programmatif directeur, s’est fait valoir par la diversité des moyens plastiques utilisés (dessin, photographie, collage, concept et autres) dans la création de nombreux artistes (Mysliveček, Stejskal, Skalník, Zavarský etc.). Les a unis la recherche de la clé de la mise en scène commune à tous les composants théâtraux: le design graphique ne devait  et ne doit pas être une simple illustration de la mise en scène. L’étude de Maryška se concentre principalement sur la manière dont les plasticiens sur les imprimés ont conçu l’art dramatique de l’auteur, et la réflexion metacommunicative qui est liée au langage graphique et au langage théâtral, menée avec un effort d’authenticité résolue.

Le 40ème numéro du  Disk est complété par la traduction de la pièce de Neveux Plainte contre inconnu qui est l’oeuvre de Karel Kraus. «Une architecture éphémère pour Ji.hlava» de Josef Čančík et Vít Šimek constitue un exemple de scénographie non théâtrale. Le commentaire est du premier des auteurs cités. Pour ce qui est du texte «Il est de nouveau question de ‘l’oeuf en or’», il s’agit de la réponse de Michael Prostějovský et de Pavel Bár au retentissement polémique de leur article «Le phénomène du musical tchèque» publié dans le numéro précédent; l’auteure de cet article polémique intitulé «Les ennuis avec l’oeuf en or» est Jana Machalická. Du texte publié dans ce numéro, le supplément revendique seulement le postscriptum de Michael Prostějovský, auquel nous devons ajouter ceci: le mot de «non spécialiste» dont Michael Prostějovský gratifie Jana Machalická, peut certes être la marque de diverses fautes ou même de préjugés; mais il sera toujours précieux comme regard venu de l’extérieur et non «de l’intérieur», cad. comme la correction impartiale d’une opinion, marquée nécessairement par la participation personnelle (de Prostějovský) à la matière.

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