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Disk 36 (Juin 2011)

Dans l’article ,,La scénicité à l’époque du mettre en scène général“ du Disk 15 (mars 2006), le professeur Vostrý (1931) a résumé les conditions de base et délimité le contenu et le domaine des études scénologiques qui reposent sur la confrontation de la scénicité et du mettre en scène dans l’art et ‘dans la vie’. Dans l’étude ,,Entre le mettre en scène (de soi) et l’art du comédien“ (avec pour sous-titre ,,La scénicité à l’époque du mettre en scène général 2) que nous publions dans ce numéro, il développe et précise quelques thèses d’origine, du point de vue qui alimente la comparaison de l’art du comédien au sens spécifique (l’art dramatique) et ‘l’art de jouer’dans la vie et particulièrement en politique. La première partie de l’étude comprend –outre l’introduction – des chapitres consacrés au rapport entre la forme du marché et l’intensité du mettre en scène, à la mimesis au sens de la ressemblance et au sens de la création et de la définition des caractères spécifiques de l’art du mime en rapport avec sa caractéristique en tant que jeu /play/. Dans la deuxième partie (dans le chapitre final ‘La politique est-elle du théâtre? Play et game, player et actor’), l’auteur confronte l’art du comédien et ‘l’art de jouer’, à savoir la mise en scène de soi dans la politique du point de vue de la distinction exprimée, dans la réflexion du mettre en scène spécifique, par la différence entre player ou bien commediante et actor, ou bien attore. La qualité de la perception varie par rapport à cela: tandis que le mettre en scène artistique repose sur la tension entre ce qui est manifeste et ce qui est deviné (le symbolique), le mettre en scène en politique naît de la tension entre ce qui est déclaré officiellement et ce qui est caché. Le mettre en scène considéré comme art, dans le cadre duquel la tension entre le manifeste et le potentiellement symbolique mobilise l’imagination, rend plus actifs les spectateurs. Quant au mettre en scène reposant sur la différence entre le caché et le rendu public, nous avons par contre à faire à de la manipulation: l’attractivité de la scène contribue à la transformation du citoyen potentiellement actif en un spectateur passif.

L’article du professeur Jan Císař (1932) ,,Les rideaux: un phénomène scénoloqique“ représente une contribution importante à la problématique de l’aspect symbolique du mettre en scène spécifique, dans le cadre des rapports du théâtre production artistique et du théâtre institution culturelle. L’impulsion lui a été donnée par la publication de ‘Les rideaux peints des théâtres tchèques’ , que le Bureau national d’information et de conseil pour la culture à Prague a publiée en 2010. Elle était une partie du projet Préservation et présentation du patrimoine culturel du théâtre tchèque et du théâtre mondial. La documentation sur les rideaux a été réalisée dans les années 2005-2010 par Jiří Valenta, qui a également préparé la publication de l’ouvrage. Les explications d’accompagnement sont constituées d’articles étendus, d’études et de commentaires sur chaque rideau, des caractéristiques locales de certains rideaux et enfin de citations les concernant venant d’autres sources. Le livre dans son ensemble fait apparaître clairement des évolutions dans la perception des rideaux de théâtre peints, et dans l’interprétation de leurs motifs, fondamentalement en rapport avec le type de théâtre que les rideaux présentent et représentent. Le théâtre tchèque du 19ème siècle apparaît comme un emblème: c’est une manifestation, signe des qualités et des caractères qui l’élèvent et en même temps l’engagent. Ceux-ci lui imposent certaines fonctions et en même temps lui assurent un certain rang. L’emblématique et la thématique des rideaux peints participent à la mise en scène de soi de toute la société tchèque. Ce livre, reproduisant et commentant systématiquement leur forme et leurs transformations au cours de l’histoire du théâtre tchèque, devient, en raison de la fonction de ces rideaux en tant que phénomène scénologique, un témoignage important sur le théâtre tchèque et sur sa place historique dans la culture tchèque avec l’aspect important de la mise en scène de soi. Cette dernière ne se produit pas seulement sur la scène, mais, l’image (image) qu’elle crée et qui se révèle à ce moment-là dans la thématique des images sur les rideaux de théâtre, apporte à cette mise en scène théâtrale spécifique, le cadre et le statut demandés.

La doctorante à DAMU Jana Cindlerová (1979) s’intéresse dans son article ,,Comment souffler à travers un mur. Brno: Buranteatr – Stadion) à deux phénomènes actuels à Brno, lesquels sont étroitement liés. Le remarquable ensemble du Buranteatr, composé de jeunes artistes talentueux, s’est installé au début de la saison, avec d’autres théâtres professionnels et amateurs ,sans toit au-dessus de la tête’ dans le nouveau centre multiculturel Stadion, édifié dans l’espace du monument fonctionnaliste du Sokol. Par leur fonctionnement, ces deux éléments s’efforcent de montrer, jusqu’à maintenant avec succès, qu’il est possible de défier le diktat ou la pression du commerce, et de maintenir un niveau artistique élevé, en remplissant bien sûr certaines conditions (avant tout une confiance réciproque, une discipline personnelle et la conviction d’interêts communs). A cela correspond le type du héros-buran (buran signifie le rustre), représentant le thème central de la dramaturgie du Buranteatr: un être avec certains blocages ou principes auquels il ne peut ni ne veut renoncer pour un succès social. Cela a conduit le Buranteatr à l’adaptation du Misanthrope de Molière, que nous joignons à l’article sur le théâtre où elle a été réalisée. Pour ce qui est de ‘la façon de jouer’cultivée par le Buranteatr, elle revient consciemment au type du théâtre populaire d’estrade se développant grâce à la créativité de l’acteur dans les conditions du drame (nullement, ou presque, dans le sens du texte écrit): il s’agit à proprement parler d’une manière proche de celle avec laquelle le Činoherní klub est entré dans le théâtre tchèque. Cela appelle naturellement la comparaison avec la manière de jouer dont traite le professeur Jan Císař, quand il analyse, dans l’article ,,La mutité au théâtre“, l’approche scénique qui caractérise la mise en scène par Wilson de L’affaire Makropoulos de Čapek et de l’adaptation scénique par Pitinský du texte de Milada Součková Monologue historique ou la Confession du président Hácha, au Théâtre National. Tandis que l’orientation ‘post­dramatique’vers la métaphore visuelle (reposant plus sur le signe que sur l’image au sens profond) est typique, dans ce cas, du théâtre ‘officiel’, c’est pour un ensemble ‘d’avant-garde’une manifestation caractéristique autant que traditionnelle: cela est peut-être dû au fait que le plus jeune théâtre de Brno privilégie l’actualisation du potentiel dramatique de ses sujets sur leur esthétisation, et accorde – disons – la priorité à l’événement vécu activement sur la contemplation admirative?

Le professeur Július Gajdoš (1951) se consacre dans ce numéro du Disk à la problématique du masque. Quelle est proprement sa fonction? Il est surtout le symbole de notre culture, ou bien il porte en lui quelque chose de plus qui est facilement surestimé? Dans la littérature spécialisée, surtout culturellement anthropologique, nous rencontrons plusieurs limitations. Il est question de son ambiguïté, du changement d’identité au moyen du masque, d’illusion et de dissimulation, de simulation en mettant le masque, tandis que dans l’art de la scène nous préférons parler de polysémie, de représentation ou d’incarnation, et au lieu de changement d’identité, nous parlons d’identification. Il apparaît que le rapport de l’individu avec le masque est certainement polysémique, et on ne peut pas le faire entrer dans les colonnes d’un seul genre, avant tout si subsiste toujours une certaine étanchéité entre les genres. Par exemple ,mettre en comparaison le chamann dans son rituel, lequel est un médium qui offre son être aux forces surnaturelles, avec l’incarnation par le comédien d’un personnage dans laquelle son individualité est toujours présente et reconnue par le public, cela revient à appauvrir l’un et l’autre. Tandis que dans le rituel, les ‘esprits’se manifestent à travers le protagoniste portant un masque, dans la figure théâtrale se manifeste la capacité du comédien à être, pour le moins potentiellement, le personnage qu’il a mis en forme. C’est précisément le flou qui continue à entourer cette problématique, malgré divers efforts bien connus pour la comprendre, qui a incité l’auteur à analyser le masque dans la multiplicité de ces significations scéniques. Le masque est parfois un médium, ou bien une protection. Retiré et replacé de nouveau, il devient un moyen de distanciation et d’identification. Sa fonction est toujours dépendante de l’image du monde d’une communauté et sa façon d’être motivée devient toujours un trait significatif, façon dont le masque s’inscrit dans une culture dans laquelle ,ainsi que dans ses diverses manifestations , il remplit son rôle.

Le professeur František Šmahel (1934) a apporté sa contribution au Disk en tant qu’historien tchèque avec son étude ,,L’apprivoisement des hommes sauvages dans les aventures scéniques de l’imagination médiévale“, étude qui est intéressante aussi bien sur la problématique des rapports du raconté et du montré (au niveau de la confrontation des textes et de la représentation) que sur le thème des rapports du naturel et du culturel, de l’animal et de l’humain. La représentation de ces rapports ne concerne pas seulement la problématique éminemment dramatique de leur lutte, mais aussi la problématique scénologique générale de la transformation, et spécialement de la problématique du masque et du travestissement. Le moyen âge a hérité de l’antiquité l’idée des satyres, des faunes et de leurs fées, qui vivaient ensemble librement dans la nature et passaient leur temps à de tumultueuses beuveries et à des jeux sexuels. A partir du 12ème siècle ont commencé à apparaître leurs descendants. Parmi eux se trouvaient divers hommes „sauvages“, „des bois“ ou „verts“ (wild men, les hommes sauvages), vivant en toute liberté dans les forêts profondes. En général, ils étaient nus, couverts de poils épais et parés de couronnes vertes autour de la tête et des hanches. Dans les épopées chevaleresques, les hommes sauvages apparaissent soit sous la forme de vrais sauvages des bois, soit comme des êtres contraints par le destin à vivre en sauvages. L’une de ces épopées, Sigenot, se rattache de loin à la matière de la Dietrichsage, dont le caractère scénique est attesté par les illustrations du manuscrit de la Bibliothèque universitaire de Heidelberg (Cod. Pal. ger. 67). Par contre, un autre manuscrit de cette bibliothèque (Cod. Pal. ger. 142) concernant l’histoire de Pontus et Sidonie (Pontus und Sidonia) montre une autre façon de représenter les hommes sauvages, laquelle est plus proche de la production dramatique. Alors que dans les bals à la cour les masques des hommes sauvages servaient de divertissement, un travestissement de ce genre faisait ici avancer l’intrigue vers son dénouement. Au 15ème siècle, les hommes sauvages avaient investi toute l’Europe, laquelle les a accueillis dans son monde imaginaire. Il ne s’agissait alors pas seulement d’hommes sauvages, mais de leurs compagnes et de leurs enfants. Auparavant, leur vie était cachée dans des forêts impénétrables, maintenant ils évoluent à proximité de l’ habitat humain. De plus: les bourgeois et les nobles vont leur rendre visite, cultivent ensemble les champs, chassent le gibier et puis s’amusent et festoient ensemble. Tout au moins, c’est ainsi sur beaucoup de tentures des ateliers du Haut-Rhin. A la fin du moyen âge, ces êtres effrayants, ces ravisseurs brutaux de femmes et de farouches gardiens d’emblèmes étaient devenus des créatures amicales qui constituaient comme des alter ego de leurs contemporains. Ceux-ci ont commencé à se déguiser en hommes sauvages, puis les ont introduits dans le décor de leurs habitations et au sens figuré ont joué avec eux aux cartes, sur lequelles les hommes sauvages étaient représentés avec les attributs de hauts personnages.

La japanologue Denisa Vostrá (1966) se penche dans l’article „Le concept japonais kotodama de ‘l’âme des mots’“, sur les rapports de la foi des Japonais de jadis avec la force des mots. Le concept kotodama suppose que les sons peuvent influencer les objets et que l’emploi de formules rituelles peut avoir une influence directe sur le milieu, le corps, l’esprit et l’âme. Ainsi les Japonais s’efforcent depuis toujours d’éviter les vilains mots, lesquels pourraient causer du mal, et en chaque occasion ils choisissent précautionneusement des expressions mesurées, afin que rien de mauvais n’arrive par l’emploi de mots inconvenants. Le concept en question est impliqué dans le rapport entre la compréhensibilité et la suggestivité (tandis que compréhensibilité aussi bien que suggestivité sont caractéristiques de la langue courante, la langue scientifique incline vers la compréhensibilité, et la langue poétique comme la langue religieuse vers la suggestivité) ainsi que dans le rapport de l’aspect sonore et signifiant du mot: il n’est pas étonnant que l’exigence d’une vocalisation juste et précise existe dans les arts reposant sur un acte vocal – par exemple dans le théâtre nô, il est nécessaire que chaque tournure soit prononcée avec l’intonation juste conformément à la tradition, vu que c’est seulement de cette façon que leur kotodama peut satisfaire la divinité. Pour cette raison,les textes pour le théâtre sont écrits comme les poèmes traditionnels japonais(5-7-5-7-7). Nous présentons dans ce numéro le théâtre en lui-même avec la traduction d’une nouvelle pièce (déjà la quatrième) du cycle de madame Komatchi: l’auteure en est de nouveau la professeure Zdenka Švarcová (1942) qui a écrit également un commentaire intitulé ,,La présence de l’esprit sur la scène“.

Pour ce qui est du ‘théâtre vivant’, Jan Hančil (1962) se consacre dans ce numéro à la remarquable mise en scène du célèbre Wooster Group, lequel a jeté son dévolu sur la pièce de Tennessee Williams Vieux carré, qui est peu souvent donnée, et – pour ce qui est notre scène nationale – Tereza Marečková (1982) se consacre à la première en studio de Roman Sikora La confession d’un masochiste au Théâtre Švanda, dans le cadre de l’émission Hyde Park. ‘Le festival du théâtre lyrique tchèque’ OPERA nous informe chaque année sur l’état de l’opéra tchèque contemporain, dont Josef Herman (1955) présente le bilan. Jaromír Kazda (1948) écrit sur quelques exemples de l’influence de Molière et de la commedia dell’arte sur les mises en scène tchèques du théâtre comique. Denisa Vostrá nous informe de l’exposition sur les costumes dans le théâtre japonais à Berlin.

En annexe, nous publions une autre pièce de Lenka Lagronová (1963) Le rire.