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Disk 38 (Décembre 2011)

Jan Císař, le théoricien et l’historien tchèque du théâtre, s’occupe depuis de longues années du théâtre amateur; son étude „En dehors du champ institutionnel“ repose sur ces expériences. Il examine le rapport du théâtre amateur avec le classement officiel possible, et cela en prenant pour exemples des ensembles remarquables de théâtre amateur d’une poétique originale qui n’a pas son pareil dans le théâtre professionnel et qui est due justement à leur position ‘en dehors’(Hochy Hýsly avec Tibor Skalka comme auteur et metteur en scène, LÁHOR/Soundsystem avec la personnalité dominante de Petr Marek, connu principalement comme réalisateur de films indépendant, le Théâtre V.A.D. de Kladno, les Hofcomoedianten de Geissler à Kuks, le Théâtre DNO de Hradec Králové, dont le directeur est Jiří Jelinek, et le Théâtre Kámen de Prague avec Petr Macháček comme auteur et metteur en scène). Císař part de l’idée que le théâtre d’amateurs se dresse dans sa substance contre toute institutionnalisation liée à la canonisation d’un développement et d’une approche éprouvés que la société infuse et parfois même administrativement impose. Ce caractère non institutionnel est la condition d’une mise en scène à la marge illimitée dans le théâtre amateur, lequel en ce sens peut se réguler tout seul. Cela mène bien sûr d’un côté au diletantisme et à l’absence d’art, qu’il s’agit éventuellement d’utiliser pour un regard surprenant sur la réalité, et d’un autre côté permet d’éviter toutes les conventions possibles et de choisir des chemins inhabituels, sur lequels on peut finir par arriver à la professionnalisation, ou bien se délimiter face à l’alternative officielle, dont la dépendance des subventions est la condition de son ancrage dans le système institutionnel.

Les contributions de Klára Novotná et Hana Nováková portent sur l’activité de courte durée de Karel Čapek au Théâtre de Vinohrady au début du 20ème siècle. La première d’entre elles s’intéresse, dans son article „La dramaturgie de Vinohrady du temps de l’activité de Karel Čapek“, à la propre conception dramatique de Čapek dans le contexte du répertoire de ce théâtre. C’est là que les efforts dramaturgiques de Čapek ont pu se réaliser dans le cadre des conceptions définies par la pratique de Jaroslav Kvapil, le metteur en scène en chef. Hana Nováková, en revanche, – comme le fait comprendre le titre de son étude „Le metteur en scène Karel Čapek” – s’intéresse aux créations scéniques de ce dernier, où sa conception a pu s’illustrer le plus librement.

L’étude de Petra Honsová sur l’art de l’actrice Jiřina Třebická, tel qu’il s’est fait valoir aux premiers temps de l’activité du Činoherní klub dans les années 1965–1972, est une contribution à l’histoire du théâtre tchèque moderne et en particulier de l’art dramatique. Un apport très important à l’historiographie du théâtre tchèque est constitué par le projet de reconstitution interactive de mises en scène. Kateřina Miholová, avec Zuzana Ježková, Vlasta Koubská et d’autres collaborateur(e)s, a pu sous la caution de Jan Dušek dans les années 2009–2011, faire une demande de subventions pour ce projet auprès de l’Agence des bourses de la République tchèque. Pour Miholová, en a fait la suite de son précédent projet, cautionné par Jan Dušek – son résultat a été la reconstitution de la mise en scène de Král Ubu / Ubu the King de Jarry Grossman Fára au Théâtre Na zábradlí 1964–1968, laquelle a fait l’objet d’une publication. L’auteure nous informe dans l’article ,,Le théâtre ne meurt pas ” des résultats du deuxième projet qui se termine et des perspectives de cette recherche.

La deuxième partie de l’étude de Jaroslav Vostrý ,,De la théatrique à la scénologie ” repose sur la publication de l’année 2011 rapportant les contributions à la conférence organisée par la Faculté de théâtre de Brno JAMU il y a trois ans „ad honorem du professeur Ivo Osolsobě“. Dans le chapitre intitulé „Entre mimesis, ostentation et performance“, l’auteur analyse le sens de ces derniers concepts, dans le rapport „au changement performatif“ dans les sciences de l’homme et de la culture, avec les conceptions théâtrologiques afférentes. Dans le chapitre ‘Du signe à l’action corporelle – ou bien à l’image ?’, il traite des tentatives pour élargir la validité de certains attributs du théâtre et de la ,théâtralité’à un domaine plus vaste de communication humaine. Il pose le concept semi parodique, mais d’autant plus inspirant de théâtri(sti)que du professeur Osolsobě aussi bien contre les spéculations de la professeure Fischer Lichte que contre l’image sémiologiquement réduite du théâtre chez Umberto Eco (dans le célèbre essai „Semiotics of Theatrical Performance“, connu en tchèque sour le titre „Le signe théâtral“ / „Divadelní znak“, paru en 1977). Pour ce qui est de l’application de la théorie de la performativité dans la théâtrologie, Vostrý tient pour inacceptable le mélange de la performativité courante ou rituelle avec le théâtre ou la théâtralité. Il considère que ce qui fait la qualité constitutive du théâtre (cad. de la théâtralité), c’est ce qui le distingue de l’action courante, même ostentatoire, comme des autres productions culturelles scéniques. L’autre qualité constitutive du théâtre est formée selon lui par la création d’une image scénique avec la participation des spectateurs ; cad. une telle façon de mettre en scène, dans le cadre de laquelle l’action elle même se transforme par son utilisation spécifique en quelque chose d’autre, de la même manière que dans son cadre monsieur Untel devient Hamlet.

Stanislav Slavický, dans son article éclairant „Les traductions scéniques en Asie du sud est“, se consacre aux formations scéniques et à la scénicité dans les cultures de l’Asie du sud est dans une introduction autorisée à cette problématique spécifique. L’auteur a en effet eu la possibilité d’étudier ces cultures sur place pendant de longues années, dans le cadre de ses missions diplomatiques. La carte des théâtres de Paris nous est présentée ,depuis là bas’ par Jitka Pelechová dans son étude „Le paysage théâtral parisien – essai de topographie“ (avec une utile introduction à la catégorisation des théâtres dans le ‘réseau’ théâtral). Elle se concentre naturellement sur les institutions de la catégorie des „théâtres nationaux“, mais présente aussi le Théâtre de la Ville (un théâtre ‘municipal’) ainsi que le remarquable ‘petit’ Théâtre de la Bastille qui ne rentre pas dans la catégorie des théâtres statutaires. L’auteure traite aussi succinctement de la position des théâtres de boulevards dans le paysage théâtral de Paris. Sa richesse est due, selon elle, d’un côté à la diversité des profils des différentes institutions, et d’un autre côté à l’ouverture aux tendances du théâtre étranger, qui est fortement représenté dans les programmes de toutes les scènes parisiennes. Július Gajdoš nous donne un aperçu de ce qui se passe au théâtre à Londres: il présente deux mises en scène du National Theatre, à savoir la pièce du contemporain de Shakespeare Thomas Heywood Une femme tuée par la bonté et l’adaptation de Serviteur de deux maîtres de Goldoni, qui a été cet été la plus fréquentée ; mais il commence par l’excellente représentation de la pièce de Stoppard Rosencrantz et Guildenstern sont morts , montée par Trevor Nunn, qui a fait preuve une nouvelle fois de sa longévité, cette fois ci au Théâtre Royal Haymarket.

Nous imprimons dans ce numéro 38, outre l’article „Nouvelles oeuvres complètes d’Henrik Ibsen“ de František Fröhlich, le célèbre traducteur des langues scandinaves et de l’anglais, autrefois dramaturge au Činoherní klub, – quelques notices et la pièce intéressante d’Almir Bašović Images du siècle d’argent que Jana Cindlerová et Hasan Zahirović ont traduite du bosniaque.

Traduction Vladimíra et Jean Pierre Vaddé